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le blog de Laurent Tellier

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Evasion, poésie, loufoque, tout ici est permis dans le respect des autres et de soi-même . Un espace de liberté et de partages autour d'un thème commun: l'amour de la langue française.


bonne année 1925 à toutes et à tous

Publié le 25 Octobre 2022, 08:00am

A la suite de nombreuses réclamations, et pour ne pas perdre un lectorat fidèle mais vigilant, je recommence une nouvelle période de vagabondages en 1925. Auparavant, je vous dois quelques explications sur cette année obsessionnelle de 1924, qui a rythmé si longtemps mes histoires sans raison. Pourquoi diable avoir été obsédé par cette année précisément ?

On a avancé un certain nombre d’hypothèses, entre thèses de psychiatrie (la plus pertinente étant celle du Docteur Karl-Filip Dummeskind : le fou de l’année 1924) et travaux de sociologie de l’histoire, discipline qui n’existait pas comme telle (1924 : la seule année folle ? par Raoul Vingt-Trois), en cours d’édition. Je vous livre mon explication : 1924, c’est à l’envers, le chemin de 1984, d’Orwell, inventer l’époque avec les clés d’aujourd’hui quand l’autre imagine l’avenir avec ses outils de l’époque. Bref nous voilà en 1925, Gaston Doumergue est encore là. Première incongruité, Doumergue est parfois affublé d’un « s » final dans certains documents. Mais là n’est pas le propos. Les Présidents sont toujours des hommes multiples (oui, des hommes).

Le 6 janvier 1925, un journaliste parisien (que je vais vous faire connaître, enfin) s’extasie devant la marche victorieuse des sardinières à Douarnenez :

« Elles sont combien les sardinières, deux cents, trois cents et même elles seraient mille et cent que leur courage et leur admirable détermination est la somme de la volonté de chacune d’entre elles. Les salaires, bien sûr, sont à l’origine de la grève, mais leur message restera, dans la postérité, comme le premier combat pour la dignité des femmes, la postérité de Douarnenez et la légitimité des combats pour l’égalité, celle des femmes, des salaires et des droits. Il n’existe pas de pluriel à l’égalité, elle est singulière, elle encadre, sur le fronton de nos mairies, deux autres mots à la noblesse de la République : la liberté et la fraternité. Elles seront dignes, les générations qui vont suivre, si elles gardent au cœur de leurs luttes, ces valeurs qui forment l’alpha et l’oméga d’une conscience universelle. »

Il aime bien l’emphase, le grandiloquent, notre ami, c’est sa force. Dans son esprit, un journaliste est nécessaire pour sublimer ce qui est déjà grand, une caisse de résonnance (ou bien de raisonnance, c’est tout comme). Il a un code de déontologie, notre homme : amplifier mais jamais simplifier ou interpréter. C’est bien, c’est noble, mais il faut bien avouer qu’il choisit lui-même ce qu’il doit défendre. Sauf qu’il a du talent, nous sortons des grandes envolées lyriques qui depuis Zola et son J’accuse et les grands articles de la Grande Guerre ont donné de la noblesse au métier et notre garçon peut bien revendiquer d’appartenir à cette grande famille. Il va de ville en ville, on l’envoie là où ça bouge, là où se jouent des combats pour le progrès universel : les femmes, les pauvres, les idées et c’est qu’il y a beaucoup à faire. Parfois, pour aller sonder l’opinion des faibles, il lui faut aller se coltiner les forts. Dans les grandes réceptions, pour sentir l’odeur de la réticence à émanciper des classes sociales un peu subversives, dans les lieux du pouvoir, pour ressentir les opportunités de faire changer le cours des choses, et même dans les interstices  entre ces puissants, comme les syndicats, les partis politiques pour pressentir les conflits à venir. C’est un malin, il s’est donné cette mission : sentir, ressentir et pressentir. C’est lui qui s’est donné cette devise dont il connaît parfaitement la limite, à savoir ne jamais la franchir. C’est une grande plume de son temps, qui fait peur à tout le monde. S’il attaque les puissants, il est catalogué et snobé, s’il attaque les politiques, il est discrédité et ignoré, s’il s’attaque aux intermédiaires, il est interdit de séjour dans le cénacle. C’est un incorruptible de la pensée, insensible aux sollicitations, aux pots-de-vin, aux cajoleries. C’est un homme libre. Voilà donc celui qui va nous relater les heurs et malheurs de cette année 1925, qui aura la bonne idée de commencer le 1er janvier, un jeudi, jour creux de la semaine. C’est ce jour-là qu’il est parti en train à Douarnenez. C’est pendant ce voyage qu’il réfléchit à un pseudonyme, pour garder encore plus sa neutralité. Ce sera Elson Teis, anagramme tarabiscotée d’Eliot Ness, celui dont on commence à parler aux Etats-Unis. Entre détective et reporter. C’est lui qui va devenir notre compagnon pour explorer cette année 1925. Méticuleux, mais un peu illuminé, souvent aux frontières du réel, il va sans le savoir éclairer l’avenir avec ses observations de son temps, c’est le propre des grands visionnaires d’être des voyants ! Hélas, de nos jours, ce n’est plus tout à fait pareil. C’est maintenant le propre des ignorants de devenir des « sachants », des gens qui ont des avis sur tout, en trois lignes, sur un ordinateur. Quant aux vrais sachants, ils ne sont plus souvent que des communicants, abscons et volontairement incompréhensibles ou trop pédants. Pardon, mais je mélange les temps historiques, je me laisse emporter par la mode imbécile de réécrire l’histoire selon ses goûts. N’étant pas du genre calembour, vous le savez bien, c’est le moment de serrer Lavisse bien fort, même si lui aussi nous dérange. Je vous souhaite une bonne année 1925, une bonne santé pour une année folle (c’est dans l’ordre des choses) et surtout une année, comment dire … une année d’espoirs.

 

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