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le blog de Laurent Tellier

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Evasion, poésie, loufoque, tout ici est permis dans le respect des autres et de soi-même . Un espace de liberté et de partages autour d'un thème commun: l'amour de la langue française.


le rêve de Clovis

Publié le 8 Février 2022, 09:00am

 

Vers la fin du mois de janvier 1924, au cœur de la Bretagne alsacienne (celle de la choucroute au kouing amann), un jeune garçon regardait le vol des Cigognes, cette compagnie d’avions où Guynemer avait brillé, et rêvait de piloter un jour un de ces engins fragiles et graciles qui, plus tard, après avoir ressemblé à des oiseaux légers, deviendront pareils à des jars obèses. Il pensait rejoindre les Amériques, les Afriques et les Chines, jusque, peut-être mêmes, les Australies pour y rencontrer les Australo-Pithèques, venus en bateau de Cro-Magnon.

Il avait quinze ans, Clovis Vouillé, un nom qui ne s’invente pas, et il rêvassait. Voilà des années qu’il s’envoyait en l’air en rêvant. C’était un solitaire, ses copains pensaient qu’il était original, à regarder le ciel et à s’inventer des voyages dans des pays inconnus. Au lycée, c’était un bon élève qui arrivait à capter l’attention des professeurs par son aspect lunaire et son monde poétique. Sa marotte, c’est l’histoire, qu’il réinvente à sa façon, il n’y a plus de guerre, les champs des batailles anciennes deviennent des rimes charmantes, Marengo rime avec Busento, Alaric avec Childéric et Clovis avec… tournevis. C’est là qu’il est futé, il casse la magie de son talent avec des outils grossiers, il a peur de son propre savoir. Sa copine, oui, il a un béguin pour une fille, la belle Clotilde, qu’il fait rimer avec Rouquilde, elle est un peu rousse et il n’y a pas beaucoup de rime en -ilde, à part guilde, comme la guilde des Arbalétriers, mais ça n’a rien à voir et on s’en fiche. Il invente des mots qui, sous sa plume, ont un sens et une vie. Elle est un peu comme lui, Rouquilde, sa tête est dans les nuages, elle veut aussi devenir pilotesse (j’ai vérifié, on disait cela en 1924 et même plus tard dans cette étonnante phrase : « Elle est partie aux toilettes dans l’aile où l’on soigne les soldates, les matelotes, les pilotesses et autres auxiliaires féminines de l’armée un tantinet fêlées » du très controversé auteur et intellectuel américain, malgré son nom,  Kurt Vonnegut, rescapé du carnage de Dresde, et son pamphlet : Abattoir 5. Oui, les références sont étranges, comme les histoires.

Je vous ai raconté l'histoire du Vase de Soissons, je n’y reviendrai pas ici. Pourtant, c’est bien dans cette ville de la Bretagne alsacienne que va se produire l’improbable aventure de Clovis et de Clotilde. Ils se promenaient le long de la rivière Axona quand un grand type échevelé, barbu hirsute, manifestement ivre est venu chercher des noises aux tourtereaux. Un attroupement s’est formé pour invectiver le barbare qui appelait ses copains à l’aide. On entendait des murmures dans la foule, c’est Syagrius, un Letton qui travaillait à la dinanderie voisine (on y fabriquait des trucs en laiton) et qui avait pour habitude d’aborder les jeunes femmes d’une façon un peu agressive. Deux clans se sont formés et finalement, Clovis a battu Syagrius en faisant alliance avec un gars de Cambrai (un mec qui ne faisait que des bêtises). C’est aux cris « d’espèce de Wisigoth » (un peu à la manière du Capitaine Haddock avec ses Ostrogoths) que le Letton s’est carapaté sans demander son reste. On a su, bien après, que le dénommé Syagrius avait été extradé de la Wisigothie et qu’il avait été retrouvé mort. Personne n’a pleuré son âme.

Du coup, dans le pays, Clovis est un peu comme David qui venait de terrasser Goliath, voilà qu’il est porté en triomphe, c’est presque un saint honoré. Il se sent pousser des ailes, il va à Paris (allez savoir pourquoi), se retrouve sur le pont de Tolbiac en extase, finit à genoux à Notre-Dame, et murmure à Clotilde : me voilà converti. Ils se marièrent et eurent quelques enfants qui se battront comme des chiffonniers pour quelques arpents de terre sur les terres de Bourgogne qui appartenaient au Papy Vougeot, qui donna son nom : l’enclos Vougeot qui devint pour le commerce le Clos Vougeot, qui l’eût cru (grand cru). Les pubs sont toujours gratuites, bien sûr, j’ai parfois entendu des trucs du genre : « tu te fais payer les encarts », c’est faux et je l’affirme. Sans preuve, certes.

Blague à part, Clovis Vouillé, après ses braves exploits contre le Letton Syagrius et les Wisigoths, partit avec Clotilde en Espagne chasser les Escarts-Goths, des gens très, très lents qui portaient des casques à corne avec une drôle de carapace en colimaçon qui n’opposèrent aucune résistance. On murmure de drôles de choses sur ces gens-là, ils seraient issus de l’inerme Aphrodite, mais bon, là, on s’égare. Faut dire quand même qu’ils se sont éteints rapidement, on ne sait pourquoi les Escarts-Goths ont disparu. Le réchauffement du climat, sans doute.

Parmi les amies de Clovis, il y avait une gamine qui s’appelait France Ungaule (plus tard, la France eut deux Gaules pendant que nous en étions à celle des trois Gaules, voir plus bas) dont on dit qu’elle fut à l’origine du pays, on se perd en conjectures sur la signification de cette allégorie un peu phallique qui semble, malgré tout, complètement farfelue. La légende était née et comme toute légende, elle repose sur quelques éléments réinterprétés par les fidèles, parfois très mal recopiées par les secrétaires, ce qui donne les imperfections et même les approximations qui nous paraissent ridicules. Je me garde, comme à chaque récit, de prendre parti, je vous laisse seuls juges.

Saviez-vous qu’à l’époque, il y avait trois Gaules et là, je suis sérieux, les trois morceaux historiques de ce que l’on a appelé « la Gaule Chevelue » : le franc, le burgonde et le gothique. La Gaule calvitique, celle des chauves, ressuscitera avec un autre Charles, le Chauve, rasé par conviction religieuse et non par alopécie (j’ai eu du mal pour le placer, ce mot-là).

Trois Gaules, Deux Gaules et Un Gaule, finalement, tout se tient, et là, c’est authentique, vous pouvez vérifier. Alors, évitons les jugements hâtifs, seul compte celui de l’Histoire.

Ceux qui ont pensé au début que je partais en vrille n’ont plus qu’à opiner du chef, tout n’est pas faux et loin de là. Je suis comme le dernier défenseur d’une équipe de foot, je suis le goal (là, c’est douloureux !).

Tout est dans tout, et inversement. Puisque nous sommes d’accord, désormais, je vous promets de vous raconter un jour la vraie histoire du docteur Freud, celui qui a décidé un jour que tous nos comportements ont quelque chose à voir avec notre enfance et notre mère d’alors (en deux mots). Y compris avec ce que l’on raconte quand on devient adulte. On n’arrête pas de me dire que je suis trop gentil, alors je fais comme si…

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