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le blog de Laurent Tellier

le blog de Laurent Tellier

Evasion, poésie, loufoque, tout ici est permis dans le respect des autres et de soi-même . Un espace de liberté et de partages autour d'un thème commun: l'amour de la langue française.


à l'ami

Publié le 14 Novembre 2023, 14:03pm

Je vais vous parler d’une rencontre. La vie en offre beaucoup mais rares sont celles qui vous marquent à jamais. Je ne vous donnerai pas son nom même si hélas, il est parti depuis longtemps dans des  lieux qu’il ne soupçonnait pas atteindre :  mon cœur et ma mémoire.

C’est un ami, que dis-je, un guide, un phare dont je cherche la lumière quand tout autour de moi s’assombrit. Je lui parle encore comme s’il était là, son éternelle clope au bec (c’est elle qui l’a eu, hélas) et il a la bonne idée, quand même, de me dire que je dois bien pouvoir me débrouiller sans lui. J’entends le ton qu’il utilise et je vois son sourire me dire le contraire. J’ai encore besoin de toi, tu sais …

C’est lui que j’ai rencontré en arrivant ici, il y a tant d’années. C’est lui qui m’a donné inoculé le virus de mon pays d’adoption, un truc dont on ne guérit jamais (jamais, vous entendez), que j’ai transmis à mes enfants et dont ils sont fiers.

Par lui, j’ai appris la cuisine cantalienne, la géographie cantalienne, l’histoire cantalienne et tout le reste et quand il avait envie de me faire marcher un peu, moi le Picard du pays des frites et des patates, il sortait une poêle, y versait de l’huile, beaucoup trop, et faisait revenir des aiguilles de patates et me disait : à table, on mange des frites cantaliennes. C’est lui qui m’a dit que le meilleur dans le Cantal (le fromage), c’est la croûte et ce qu’il y a autour, c’est pour les touristes, que la charcuterie y est la meilleure, que les plats du pays sont bien autre chose que ces trucs à bobos, bref que l’art de vivre ici n’est pas une formule, c’est un menu.

Que la première chose à faire, c’est de se faire adopter, pas en imitant les us et les coutumes mais en les incarnant, sauf l’accent, irréductible, que j’ai encore du mal à cacher et que quelques mots trahissent.

C’est lui qui m’a fait connaître tant de gens passionnés qu’ils en sont devenus passionnants, qui m’a permis de découvrir tout un pays  d’histoire que je me suis empressé de fouiller au point de travailler (ah, cette Vallée des Poètes) pour m’en imprégner et faire en sorte que ceux qui me lisent aujourd’hui en soient aussi, comme moi, des vigies. Je n’ai pas la prétention d’en savoir plus que les autres, j’ai juste envie de faire comme il m’a appris, transmettre une passion pour un pays qui le mérite. Après, chacun fait comme il veut.

Je sais que quand il a compris qu’il avait atteint son but, faire de moi un citoyen du pays, il en avait été content. Pas fier, il ne connaissait pas ce mot-là.

Cette rencontre, dont je ne crois pas une seule seconde qu’elle soit due au hasard, m’a profondément marqué, elle a beaucoup compté dans tout ce qui m’est arrivé depuis ce jour où j’ai « débarqué » à Aurillac, un peu déboussolé, inquiet et sans rien d’autre qu’un immense défi à relever.

Quelques mois plus tard, allait naître l’aînée de mes enfants, puis les deux autres et j’avais déjà fait ma place. Nous ne nous sommes jamais éloignés jusqu’à ce qu’il s’en aille.

Dans ces temps troublés, c’est à lui que je pense. Il n’avait qu’un seul but dans la vie, donner de lui-même en échange de rien, ou juste une sincère amitié. Il y a bien longtemps qu’il est parti mais le hasard a fait que j’ai retrouvé le texte que je lui avais écrit, juste après sa mort. J’avais envie d’évoquer une rencontre, voilà, c’est fait. Un petit peu de nostalgie et beaucoup de gratitude.

L’ami 

 

Je suis allé te voir avant que tu ne partes

Étendu sur cette table où gisaient nos souvenirs

Juste avant de rejoindre dans les célestes cartes

Les étoiles d’orient que l’on dit éternelles.

Tu m’as accompagné dans mes tous premiers pas

Chercher une lumière que je ne voyais pas

L’inaccessible étoile qu’alors tu me chantais

Cet impossible rêve qui fut mien désormais.

Le chemin est fort raide pour atteindre l’idéal

Mais les ciels sont si beaux, aux aurores boréales

Ils dessinent des couleurs qui peignent la beauté

Tous les espoirs des hommes d’atteindre la plénitude

D’une vie apaisée laissant les certitudes

Aux penseurs inquiets qui fuient l’humanité

Dans des vies solitaires en prêchant la bonté.

Tu m’as appris le sens de quelques mots très doux

Que l’on a oubliés parce que l’on ne les dit plus

Ceux qui les utilisent semblent devenus fous

Ils vivent dans le monde comme s’ils étaient exclus

Ils parlent de bonheur de joie et de gaieté

Parfois même de partage et de fraternité

Des rêves de concorde dans un monde meilleur

Ils se rêvent liés à une chaîne invisible

Qui relie tous les hommes en un lien indicible

On les prend pour des fous, des contemplateurs

Tu m’as ouvert les yeux vers cet autre destin

Quand pour m’accompagner, tu m’avais pris la main.

Aujourd’hui tu me manques, j’ai perdu mes repères

J’ai perdu mes espoirs, j’ai perdu comme un frère

Mais tu vois quand je pleure, c’est à toi que je pense

Je marche vers l’espoir avec la joie immense

D’avoir eu pour m’aider un ami merveilleux

J’étais alors aveugle, tu m’as ouvert les yeux.

 

 

Un soir, quelques jours après ta mort.

 

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J
Merci pour ces jolis mots que je reprends à mon compte. Parce que , comme vous , j’avais un ami , à qui l’’on pouvait dire qu’on l’aimait , d’une haute bienveillance , qui savait conseiller et aider . Merci pour moi et lui et que le grand divin rassemble là-haut ces deux hommes si généreux et bons …..
Répondre
Je suis très sensible à votre message, et je suis sûr que quelque part dans une éternité des hommes de bien, ils nous observent avec bienveillance. Je vous remercie de votre fidélité dans mes états d'âme et mes errements...

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