les concombres et moi

Ce qu’il y a de bien, avec l’actualité, c’est que le néant succède au vide. Surtout quand on tombe éberlué devant des commentateurs qui se prétendent impartiaux, intransigeants avec une vérité, pourvu que ce soit la leur et que tout contradicteur est un sombre idiot complotiste, ou mieux, inculte. Le plus grand métier du monde aujourd’hui est « influenceur », niveau requis, une belle gueule, du bagout et un bon débit de parole. Dans mon époque, certes fort lointaine, on appelait tout de petit manège d’entre soi la propagande. Un ignoble bonhomme avait trouvé cette formule : Dites une fois un mensonge, c’est un mensonge, répétez-le dix fois, c’est encore un mensonge,  répétez-le mille fois, ça devient une vérité. Eh oui, hélas.

Peu importe le contenu, pourvu qu’on ait l’ivresse de s’entende parler. Vous allez me dire, avec justesse, que pour affirmer tout ce que je dis, je dois le démontrer. Certes oui, mais comme on ne démontre plus les affirmations dont on nous abreuve, je voulais faire pareil, mais je suis trop orgueilleux.

Je dis donc haut et fort que tout ce que l’on nous dit sur la qualité du concombre de Haute-Xaintrie, de la Saintonge de l’ouest, du Poitou oriental, du Vexin du Sud et même d’ailleurs est faux et archifaux. J’y suis allé dans ces pays pour surmonter mon aversion pour cette cucurbitacée au formes plus que douteuses et au goût plus que suspect. Devant cet alignement nauséabond de symboles freudiens pour ceux qui n’ont pas résolu leur Œdipe, je me suis senti très gêné. Je suis même allé en Guyenne Savoyarde, il y avait du monde devant cet étal indécent et chacun choisissait sa forme, son gabarit (c’est pour deux personnes, Monsieur ?) et j’avais envie de hurler ma vérité la plus intime : je déteste ce légume ! N’y voyez pas malice, ne cherchez pas midi à quatorze heures, c’est une aversion. Si vous me permettez, je les sens de loin.

C’est là où je voulais en venir. Allez dire publiquement devant un parterre de fanatiques du concombre que vous les vomissez, au sens propre !

Pas les gens, les concombres. Ça créerait une émeute et je me serais trouvé au gnouf, avec au repas, certainement, du concombre. Donc je me suis tu, pour ne pas contrarier l’opinion dominante et les producteurs locaux qui m’auraient assigné en justice pour désinformation, propagande antitout, apologie de l’exhibitionnisme. Tous vantaient un produit sain, nutritif, idéal pour apporter des fibres, à la crème ou en salade, un must de la gastronomie du terroir et patati et patata. Comment voulez-vous intervenir en disant que cette chose est immonde, que ça devrait être interdit, que rien ne vaut une belle citrouille galbée et ferme à souhait. Je ne suis pas complètement dans un monde virtuel, et je connais la loi du nombre.

Les goûts et les couleurs, c’est ce qui nous fait être ce que nous sommes. Mais par pitié, qu’on arrête de nous dire ce qui est bon pour notre santé, que les apports en ceci favorisent les muscles, ou sont nécessaires pour une hygiène de vie conforme aux canons de la publicité, mais je vous en supplie, ne dites pas que le concombre rend intelligent, un type nourri aux influenceurs nous le rendrait obligatoire

Comments

[Brigitte]

Excellent !!😁