l'air du temps mauvais

Il y a un bon moment que je ne suis pas retourné farfouiller dans le bocal des madeleines. Le souvenir des délices d’un délire assumé, joyeux, paillard aussi, les merveilleuses répliques de ces grands enfants jamais devenus adultes. Ceux qui m’ont mis dans la tête ces farces potaches, ces textes mythiques du vrai savoir, du « gai sçavoir » rabelaisien, fait de vraie culture et de vraie joie de vivre, je veux parler de tous ceux qui ont inventé un mythe : les tontons flingueurs. Oh je sais bien que toute époque a ses références, mais il en existe qui traversent le temps, surtout quand les temps sont tristes à mourir. On ne peut plus rire de rien, nous ne sommes justes bon qu’à pleurer de tout, c’est même devenu une conscience nationale. Du coup, je vais m’évader, comme un besoin d’air pur, comme un prisonnier qui tente la belle (l’évasion pour ceux qui ont oublié et qui pourraient me poursuivre pour harcèlement), rêver à un avenir qui nous paraît compromis et donner de l’espoir quand il semble être anéanti. Comprenez-bien, je ne suis pas sur une autre planète, je suis bien conscient de nos angoisses, nationales et internationales, mais le rêve est l’avenir de l’homme (pardon Jean Ferrat). J’ai donc revu avec un bonheur immense ce film certes ancien mais forcément indémodable. C’est comme une oasis en plein désert, une lumière vers laquelle, tel un papillon, je suis allé me griller les ailes. Je l’ai regardé sans censure (il faut avouer que certains répliques ne seraient plus admises aujourd’hui), je crois même que je palais avant les acteurs, je connais tout de A à Z. J’avoue même, avec une certaine honte, que j’ai pensé, mais enfin pourrait-on encore dire des choses pareilles. Evidemment que non, mais pourquoi donc ? Sommes-nous devenus austères, coincés du bulbe. Si tout n’est pas permis, tout n’est pas interdit, pas encore.

Il y a le COVID, la guerre en Ukraine et ses conséquences pour toujours les mêmes, les présidentielles, sorte d’OVNI venant de l’espace (j’allais dire jupitérien, mais même ça, ç’est hasardeux) et tout et tout. Mais les plus tristes époques ont aussi eu leurs espoirs et tous les messagers de cet avenir à reconstruire. Je fais partie de ceux qui sont les plus inquiets et par une sorte de volonté de survivre, je me donne encore les moyens de croire que nous aurons encore des moments d’espérer. Folie ? inconscience ? Irresponsabilité ? Tout ça, certes, mais aussi le fragile sentiment que l’on va en sortir avec d’autres conceptions de la marche du monde. Espérer, ce n’est pas être naïf, je le sais par tous mes engagements, c’est aussi donner une volonté de croire en l’avenir. J’ai parfaitement conscience que tenir ces propos n’est pas très opportun, mais quand cela sera donc possible ?

Pourquoi donc les tontons flingueurs aujourd’hui ? Parce que je me suis convaincu, tout seul dans mon coin, que je ne voulais pas sombrer dans le néant. Ce matin, je suis bref et sérieux pour pouvoir me persuader que bientôt, je serai prolixe et fantaisiste, comme l’est ma vraie nature, mais il fallait quand même s’imprégner de l’air du temps, qui sent mauvais.